Quand la poésie façonne l’âme de Sète : héritages et inspirations d’une île singulière #
Sète, berceau des grands poètes et foyer de création littéraire #
Sète voit le jour, en 1871, d’une figure incontournable de la littérature française : Paul Valéry, poète et penseur, dont l’enfance fut baignée par la lumière changeante du port, la polyphonie des langues, et les activités maritimes. Sa formation, marquée par une double ascendance corse et génoise, révèle l’ouverture cosmopolite de la ville. L’influence du symbolisme, découverte jeune par la lecture de Stéphane Mallarmé, marque sa future œuvre, alors que ses premiers poèmes fleurissent sous le soleil sétois (publication dès 1889 dans la Revue maritime de Marseille).
La cité accueille d’autres figures littéraires de renom, nourries de sa singularité :
- Georges Brassens, chansonnier et poète disparu en 1981, dont le legs populaire reste indissociable des rues de Sète
- Jean Vilar, fondateur du Festival d’Avignon et metteur en scène, originaire de Sète
- Léon Còrdas, poète occitan, a tissé ses vers sur les paysages sétois et la mémoire collective du Languedoc
Les textes de Paul Valéry, notamment Le Cimetière marin (1920), témoignent d’un attachement viscéral au décor sétois, tout comme ceux de Georges Brassens, dont « Supplique pour être enterré à la plage de Sète » lie à jamais l’artiste à la ville et à la mer. L’empreinte littéraire de Sète façonne ainsi une identité culturelle à la fois fière, subversive et tournée vers la Méditerranée.
Les lieux mythiques : entre cimetière marin et canaux, la cité comme source d’inspiration #
Les paysages sétois s’imposent comme des muses puissantes, incarnant à la fois le recueillement poétique et les tensions de la vie portuaire. Le plus iconique reste le Cimetière marin, sur le mont Saint-Clair, dont la beauté minérale, la vue sur la mer et l’aura blanche inspirèrent Paul Valéry, mais aussi des générations d’artistes. Un lieu qui, chaque année, attire amateurs et spécialistes, autant pour sa charge émotionnelle que pour ses lectures collectives organisées lors des Journées Paul Valéry.
- Le Canal royal, qui structure le cœur de la ville, offre le théâtre des célèbres joutes nautiques et d’inlassables promenades poétiques, souvent ressaisies en peinture comme en chanson.
- Les rives de l’étang de Thau, vaste lagune séparée de la Méditerranée par un cordon sablonneux, constituent un autre foyer d’inspiration et de méditation artistique, où nature et temporalité se confrontent.
- La plage de la Corniche et les anciens quartiers de pêcheurs accueillent régulièrement des installations artistiques et des performances littéraires lors de grands événements.
Sur la toile comme dans la poésie, ces lieux mythiques nourrissent une mémoire urbaine collective, conférant à Sète ce mélange unique de mélancolie et d’insouciance méditerranéenne.
Singularité sétoise : la voix maritime dans la poésie locale #
La mer, omniprésente, épouse la poésie sétoise et façonne une voix propre, reconnaissable par ses fragrances iodées, l’évocation de l’exil, de l’ailleurs, du retour impossible ou rêvé. Le patrimoine portuaire teinte l’écriture locale d’éléments concrets : pêche, tempêtes, chantiers navals, caboteurs, relation intime à la Méditerranée. On rencontre chez Paul Valéry des vers scandés comme des vagues, une attention extrême à la lumière, au vent et à la fluctuation des horizons, signes distinctifs d’une véritable « école poétique » sétoise.
- Les poèmes de Jean Joubert ou de Marc Alyn, bien que venus d’ailleurs, se sont nourris de cette singularité maritime sétoise.
- La langue sétoise, parfois mêlée d’occitan, irrigue les textes et les chansons, insufflant des tons populaires et une musicalité spécifique.
- Les musiques de Georges Brassens, inscrivant la mer dans la rime et la prose, offrent un écho vivant de la vie quotidienne, tout en ouvrant sur l’universel.
L’attachement à la mer va de pair avec une tradition d’ouverture sur le monde, d’hospitalité, mais aussi de nostalgie, incarnée dans les œuvres multidisciplinaires exposées au Musée Paul Valéry et lors des scènes ouvertes de la ville.
Événements et scènes d’aujourd’hui : la vitalité du verbe à Sète #
Loin de cantonner la poésie à l’hommage patrimonial, Sète affirme, chaque année, une vitalité créative inépuisable :
- Le Festival Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée accueille, depuis 2010, plus de deux cents poètes venus du pourtour méditerranéen, rassemblant jusqu’à 30 000 personnes autour de lectures en plein air, de performances, et d’ateliers, dans l’espace public.
- Les Journées Paul Valéry, institutrices chaque automne d’un dialogue entre critiques, universitaires et poètes, revisitent sans cesse l’apport de l’auteur du « Cimetière marin » au travers de conférences, déclamations et expositions uniques.
- Les nombreuses scènes ouvertes, salons et résidences d’écriture, notamment à la Médiathèque Mitterrand ou au Centre régional des Lettres du Languedoc-Roussillon, favorisent l’émergence de jeunes talents et de nouveaux styles.
Ces manifestations viennent chaque année réaffirmer la dimension vivante, fédératrice de la poésie dans la cité. Elles s’accompagnent d’une hybridation entre arts plastiques, littérature, musique et arts de la scène — notamment grâce à l’engagement du Théâtre Molière pour renforcer le dialogue interculturel.
La présence régulière de personnalités influentes lors de ces événements, telles que Marie-Claire Bancquart (poétesse et critique), Abdellatif Laâbi (poète marocain prix Goncourt de la poésie) ou Laurent Grison (auteur, programmateur culturel), dynamise la scène locale et fait de Sète une vitrine internationale de la création poétique contemporaine.
Transmission et mémoire : la poésie sétoise en héritage #
La force de la poésie sétoise se nourrit, pour durer, d’une transmission constante entre générations, et de la volonté de préserver – sans fétichisme – l’inspiration des précurseurs. Sète multiplie, depuis plusieurs décennies, les initiatives pour ancrer ce trésor dans le quotidien des habitants et visiteurs :
- Le Musée Paul Valéry, créé en 1970, conserve plus de 4000 œuvres, dont une vaste collection littéraire et des archives manuscrites exceptionnelles. Ce musée se distingue par ses parcours pédagogiques dédiés aux scolaires.
- Les promenades littéraires (comme « Sur les pas de Valéry ») balisent la ville de bornes poétiques, invitant à une redécouverte sensible de Sète à travers extraits, citations et ateliers en plein air.
- Le réseau éducatif local propose des ateliers d’écriture en partenariat avec le Conservatoire à rayonnement intercommunal pour éveiller dès le plus jeune âge à la richesse poétique du territoire.
Les établissements scolaires comme le Lycée Paul Valéry intègrent l’étude approfondie des poètes sétois dans leurs cursus, maintenant vivaces les valeurs transmises par la littérature locale.
En tant qu’observateurs et acteurs de ce tissu vivant, nous considérons que cette dynamique de transmission représente un modèle rare de vitalité culturelle. Elle cultive une fidélité au passé, tout en stimulant l’innovation poétique et en encourageant l’expression artistique multiforme. Sète s’affirme ainsi, de manière incontestable, comme un foyer lumineux où la poésie agit sur la mémoire et l’avenir, s’adaptant à l’évolution de la cité et de son environnement.
Plan de l'article
- Quand la poésie façonne l’âme de Sète : héritages et inspirations d’une île singulière
- Sète, berceau des grands poètes et foyer de création littéraire
- Les lieux mythiques : entre cimetière marin et canaux, la cité comme source d’inspiration
- Singularité sétoise : la voix maritime dans la poésie locale
- Événements et scènes d’aujourd’hui : la vitalité du verbe à Sète
- Transmission et mémoire : la poésie sétoise en héritage